Préfaces

Dans l’introduction (non signée) des “Lettres à Milena” de Kafka (collection L’imaginaire, Gallimard), il est écrit :

    “En 1927, elle épousa un architecte qui bientôt cessa de lui être fidèle et partit vivre en Russie soviétique. Milena, à la suite d’une grossesse difficile, devint obèse et difforme.” (Pardon ?)

Quand Ted Hughes a fait publier les nouvelles de Sylvia Plath, il y a ajouté une préface, dans laquelle on peut lire notamment :

    “Cependant, en dépit de leur faiblesse, [ces nouvelles] semblent suffisamment intéressantes, ne serait-ce qu’en tant qu’éléments de son cheminement intérieur.”
    “En 1960, elle écrivit des nouvelles pour le magazine féminin anglais le plus sentimental, et réussit à y introduire une légère part d’imagination. L’un d’elles, “Jour de succès”, est publiée dans ce recueil à titre d’exemple pastiche. Mais même là, on peut sentir la rigidité de la situation objective poussant la vie hors du narratif. Nul doute que la faiblesse de certains textes provient du peu d’objectivité de Sylvia Plath.”

Dans l’avant-propos à ses Journaux (Gallimard), il écrit encore :

    “Ariel et les poèmes de la fin qui lui sont associés nous restituent la voix de ce moi-là. Ils témoignent de son avènement. Toutes ses autres œuvres, à l’exception de ce journal, sont des chutes de cette gestation.”
    “Presque toute la première partie de sa production (et à coup sûr l’ensemble des textes en prose écrits pour la publication) ont souffert de son désir de voir ses textes publiés dans certains magazines, et de ses efforts pour produire ce qui semblait correspondre aux besoins du marché. […] Une telle campagne volontariste et idéaliste est à l’origine de tout ce qui, dans son œuvre, peut sembler artificiel.”

Première remarque : aurait-on écrit la même chose si Milena Jesenská et Sylvia Plath avaient été des hommes ?

Deuxième remarque : savoir que Milena Jesenská avait grossi et que Ted Hughes n’aimait manifestement pas la prose de Sylvia Plath (puisqu’il s’agit bien là d’un point de vue tout personnel) nous aide-t-il à mieux comprendre leur œuvre ?

En plus du fait que personnellement, je préfère une postface qui prolonge et éclaire le plaisir de la lecture, à une préface qui nous éloigne du plongeon dans le texte en l’explicitant, je n’en vois vraiment pas l’intérêt si c’est pour y dénigrer le texte qu’elle présente (ou le physique de la destinatrice des écrits) ?

Jeudi migraine

Être migraineux, c’est comme héberger un petit terroriste à l’intérieur de soi : on ne sait jamais quand il va frapper. Notre corps est un traître, prêt à nous poignarder à la moindre occasion. Et bien sûr jamais au bon moment (ça n’existe pas). C’est la nuit qui tombe sur soi (et la fin de toute douleur est un lever de soleil) pour quelques heures ou quelques jours, enserre les yeux, la tête, la nuque, l’estomac, épuise, rend fébrile, sensible à tout, mal assuré.

J’ai la chance (contrairement à Joan Didion, par exemple) qu’elles ne soient pas trop virulentes, et que les médicaments contiennent partiellement la douleur. Mais le plus dur pour moi est peut-être d’accepter de céder à la migraine : perdre le contrôle, admettre que c’est une maladie, que l’ignorer ne sert à rien, et se reposer, dormir, prendre un bain bouillant. Accepter que c’est une journée perdue, une journée que la douleur prend sur la vie.

Et puis avoir une migraine un jour férié, comme si ce n’était pas déjà assez.

Lectures de l’été

Le temps s’est un peu ralenti depuis le début de l’été. Je lis dans les cafés, en terrasse, dans les parcs, au lit, à l’atelier, et sur la plage et dans le jardin en Bretagne. De belles découvertes, ces dernières semaines.

Le Roald Dahl, un peu atypique dans sa bibliographie jeunesse, un livre plus réaliste mais joyeusement politiquement incorrect, les géniaux Romain Gary, le délicieux 84, Charing Cross Road et le drôlissime Le club des métiers bizarres. Aussi acheté deux autres Romain Gary aujourd’hui : Pseudo (Ajar) et Lady L. Le vrai défaut de l’été, c’est le Cinématographe fermé et les librairies et les bibliothèques aux horaires réduites.

Je travaille sur plusieurs projets jeunesse en ce moment. Des nouvelles bientôt (enfin, si tout va bien). Et une surprise musicale !

Cabinet de curiosité

Nous avons organisé la semaine dernière notre première soirée Cabinet de curiosité, dans la lignée des Verdurinades crées par Marc Molk et Alexandra Loewe à Paris. Tout en grignotant de bonnes petites choses, chacun présente quelque chose, une idée, un livre, un objet, une chanson, une science, un art… qui lui tient à cœur ou qui l’interroge. Cette première édition Nantaise s’est fait en tout petit comité, vacances obligent, et nous avons joué de la lame sonore, feuilleté des livres étranges pour enfants, appris les rudiments du Yi-King et fait de la lévitation. (Franchement, à quoi servent les vacances ?)

Un petit compte-rendu de l’atelier lévitation (rendons tout de même sa brillante méthode à Natsumi Hayashi, nettement plus douée que nous en matière de parapsychologie) :

lévitation

Ce matin, en buvant un café, nous avons pris cette note pour plus tard, pour les hivers gris et froids : en fait, l’été, c’est nul.

Frances Ha

Le nouveau film de Noah Baumbach est un régal, un bonbon intelligent, un frizzy pazzy vitaminé.

J’avais aimé ses deux précédents, Greenberg (l’un des plus beaux films sur la dépression que j’ai pu voir) et Les Berkman se séparent (je n’ai pas vu les autres). Mais en tentant de revoir ce dernier il y a quelques semaines, M. et moi avons été frappés par sa noirceur. Il n’y a pas de personnage positif, pas de lueur d’espoir.

C’est peut-être ça qui fait que Frances Ha m’a tant plu : cette fois, il y a de l’espoir. Bien sûr, il y a Greta Gerwig et sa drôle de grâce maladroite, qui incarne une danseuse si improbable qu’on a tant envie de la voir danser justement. Elle danse tout le temps, quand elle court le long des avenues New-yorkaises, quand elle range, se couche, se lève, fait le poirier, saute, tombe, quand elle parle, quand elle regarde. Frances Ha est perdue, elle traîne son errance d’appartement en appartement, comme une chorégraphie à travers la ville, à travers le pays, à travers les autres. Elle tente de fuir la solitude et les renoncements qu’elle entrevoit dans la vie adulte, mais la langueur la poursuit, autant que la vie l’habite. Quand elle se révèle, c’est face à un groupe qui ne la comprend pas, mais absolument idéaliste.

A chaque instant, elle existe parce qu’elle bouge. Elle avance toujours, même les yeux fermés. En dansant, Frances Ha dessine qui elle est. Elle se contorsionne pour trouver sa place dans le monde. Elle court après le temps, puis le perd, sans jamais cesser d’y penser. Mais ralentir sa course, c’est en arrêtant de se tordre qu’elle parviendra à trouver un équilibre. Et quand l’apaisement viendra, ce sera non de la capitulation, mais de l’acceptation de la réalité. Pour justement permettre un autre idéal.

Cartes

Il y a quelques semaines, j’ai découvert grâce à M., le travail de Katie Green, et notamment son magazine autoédité The Green Bean. Elle y parle avec humour, sensibilité et une belle légèreté de création, de ses lectures, de ses obsessions, de son quotidien et de ses recettes vegans. Son roman graphique sur les troubles alimentaires et la guérison, Lighter than my shadow, sort cet automne (en Anglais) et je me réjouis. Je viens de lire le numéro dédié aux cartes. Il contient une super bibliographie sur la question, et plusieurs chouettes cartes (de sa journée, de son cerveau, de son bureau).

Je retrouve des habitudes de lecture en anglais, et c’est agréable, comme une autre identité que je m’approprie un peu. Je deviens une jeune New-Yorkaise, une Bristolienne ou un vieux Gallois. J’ai l’impression qu’en lisant une langue étrangère, même si on ne la maîtrise pas très bien, on se met un peu à penser dans cette langue. Il y a tant de livres géniaux malheureusement non traduits en Français, c’est un monde qui se rouvre.

Du coup, cette lecture a réveillé mon goût pour les cartes (mes tiroirs sont pleins de projets liés notamment aux plans de ville), et j’ai gribouillé celle-ci dans un train entre Amiens et Nantes.

carte musicale

Stop-motion

J’ai fait mon tout premier stop-motion aux tampons (je suis dans une période tampons encreurs). Bien sûr, il y a des choses à améliorer, mais j’aime bien son petit côté foutraque. Je joue la musique au toy piano et les tampons viennent de chez muji.

Des expositions

Ces prochains temps, j’expose des textes dans deux expositions.

La première a lieu ce week-end à Bruxelles à l’occasion du festival Re-création, et est initiée par l’Atelier Radar. M., moi ainsi que six ou sept autres auteurs avons écrit des textes sur un même thème, qui ont été mis en images et en volume par les membres de Radar. L’événement Facebook du festival est ici.

La seconde est une exposition collective organisée par le Quartier de la Création à Nantes. On y retrouvera trois petits textes que j’ai écrits sur le thème de l’île : Les trésors absurdes de l’archipel de Socotra. Avec bien sûr des histoires de naufragés et de trésors, mais aussi de cosmonaute naturophobe, de bonbons, d’ennui, de gagnant du loto, de dragonniers, et de la fameuse mission lunaire Apollo 18.

L’exposition sera visible du 4 juillet au 20 septembre au cluster Quartier de la création (1 mail du Front populaire, sur l’île de Nantes). Le vernissage aura lieu le 4 juillet à 18h30.

Les épreuves

J’ai reçu, il y a quelques jours, les épreuves corrigées de mon roman. C’est émouvant. Je me régale de suivre sa petite naissance, en attendant de le tenir entre les mains.
Apprendre à ronronner sortira cet automne à l’École des Loisirs (collection Mouche), et les belles illustrations sont de José Parrondo.

Apprendre à ronronner