En août dernier, prise dans la torpeur caniculaire (et la flemme) estivale, je ne parvenais pas à me lancer dans mon projet de roman et passais, à la place, la plupart de mon temps à scroller sur les réseaux sociaux. Je me suis dit alors que quitte à traîner toute la journée sur Facebook, autant tenter d’en faire quelque chose de productif. J’ai donc commencé à y tenir un journal extime, journal d’écriture et de non-écriture, parsemé notamment de réflexions sur la création et le quotidien. Je ne m’astreins à aucun rythme particulier, mais force est de constater que je conserve l’envie et le plaisir d’y revenir régulièrement. Je le publie directement sur mon profil Facebook, mais je le mettrai également à jour régulièrement sur ce site, afin d’en conserver une trace plus continue et exhaustive. On pourra donc retrouver mon journal dans cette nouvelle rubrique, accessible depuis la colonne de gauche du menu.
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Deux éditeurs épuisés mais heureux
En 2015, Martin et moi avons décidé de créer notre maison de micro-édition, Monstrograph, pour y publier de drôles de petits livres illustrés qu’on faisait à la main, rapidement, très librement. Et puis petit à petit, on a eu envie d’ajouter à notre catalogue d’autres sortes de livres. On a créé la collection Bootleg dans laquelle nous avons publié deux essais : De la pluie et Éloge des fins heureuses. Et puis il y avait cette idée qui nous trottait dans la tête depuis longtemps : interroger d’autres artistes sur la création, l’écriture, leurs conditions de vie et de travail. Parce que c’est chaleureux et que ça donne de l’énergie d’entendre ou de lire les autres parler de leur création.
On s’est lancé dans ce projet il y a un an et demi et, au fil du temps, il a pris de plus en plus d’ampleur. Résultat : aujourd’hui ce sont 31 artistes de disciplines très diverses, des amis et des connaissances dont on aime le travail et la réflexion, qui répondent à notre questionnaire et racontent comme ils vivent, travaillent, créent, pensent, inventent. Le livre s’appelle Les artistes ont-ils vraiment besoin de manger ? et il sera publié dans une nouvelle collection, créée pour l’occasion (et dans laquelle nous comptons publier d’autres livres) : Minute Papillon. Il vient de partir chez l’imprimeur après un long et laborieux travail d’édition, de mise en page et de multiples relectures. Mais on est heureux : dans quelques semaines (début octobre), ce petit trésor sera là, et on peut vous dire qu’il sera passionnant (on peut d’autant plus le dire que ce n’est pas nous qui l’avons écrit !).

Mais après l’avoir envoyé à l’imprimeur, un dimanche soir à minuit, on était un peu fatigués tout de même.
En attendant la sortie (début octobre), le livre est déjà en précommande sur notre tout nouveau site ! Il ne sera a priori en vente que sur notre site mais si des libraires souhaitent en proposer quelques exemplaires dans leur librairie ou organiser une présentation avec certains des auteurs du livre, n’hésitez pas à nous contacter !
2018 à nous deux
Une nouvelle année commence, et elle amène avec elle le temps de repartir sur les routes. Il y aura moins de trajets cette année, quelques rencontres mais moins de salons puisque je n’ai pas sorti de livre en 2017, et plus de choses autour de chez moi, ce qui me laissera plus de temps pour écrire. Cette année à nouveau, plusieurs projets enthousiasmants d’ateliers d’écriture au long cours se préparent :
- Un cycle d’ateliers autour de l’autoportrait avec des classes de CM2 des Ponts-de-Cé, en partenariat avec la médiathèque des Ponts-de-Cé. Ça donnera lieu à une belle exposition texte et photo au printemps.
- Une série d’ateliers sur le thème de la ville avec des élèves de primaires d’Annecy.
- Des rencontres et de petits ateliers d’écriture à Angers.
- Une résidence d’ateliers d’écriture à l’école Bergson de Nantes, organisée par Stereolux et en duo avec la plasticienne Marie-Pierre Groud. Il va y avoir de belles choses et des idées ambitieuses : de la vidéo, de l’animation, des histoires sonores, des chansons, des romans-photos, et bien sûr des tas d’histoires qui rempliront les appartements et les étages d’un immeuble qu’on aura imaginé.
Il y aura aussi au moins deux sorties de livres :
- Le jour où les ogres ont cessé de manger des enfants, un album créé avec Loïc Froissart, en février au Rouergue
- La révolte des animaux moches, un roman jeunesse illustré par Anne-Lise Combeaud, qui sortira en avril au Rouergue également
Et puis plein de projets : deux livres pour ados à terminer, un livre collectif qui sera publié chez Monstrograph, un petit essai, un essai/récit pour adulte (avec Martin Page) et un court roman jeunesse en recherche d’éditeur, peut-être un livre musical,… Et beaucoup de projets en cours et d’envies d’écriture.
Et ce mois-ci, deux lectures musicales :
- La folle rencontre de Flora et Max, lecture musicale en duo avec Martin Page, samedi 13 janvier (oui oui samedi prochain) à la formidable médiathèque La Bulle à Mazé
- L’oiseau silence, lecture dessinée et bruitée en duo avec Loïc Froissart, samedi 27 janvier à Stereolux à Nantes
Ce matin j’écoute Karen Dalton (après avoir achevé sa très belle biographie dessinée par Cédric Rassat et Ana Rousse parue chez Sarbacane), c’est doux comme un bain chaud, le soleil brille pour la première fois depuis 2018 (ce qui est somme toute un sacré événement), et je m’attelle aux dernières corrections du roman à paraître en avril.
Résolutions
J’aime bien les bonnes résolutions. Ce n’est pas très cool, je sais (et c’est peut-être justement pour ça que j’ai envie de les défendre). J’aime les bonnes résolutions parce qu’elles donnent de l’énergie et du courage, elles ouvrent l’horizon et font naître des envies, peu importe qu’on les tienne deux heures ou une année. C’est important les envies, c’est précieux. Je les chéris comme de petits insectes sacrés, peu importe qu’elles muent, qu’elles changent de carapace aussi vite que mon humeur, tant qu’elles sont là et qu’elles m’entourent, je prends soin d’elles.
Cette année, j’ai donc envie de faire plus de sport (3 runnings en une semaine jusqu’à présent), d’écrire plus et mieux, de perdre moins de temps sur les réseaux sociaux (je n’ose pas imaginer combien de personnes mettent ça dans leurs résolutions), d’enfin enregistrer ces chansons (pour adultes et pour enfants) qui traînent dans mes poches et dans ma tête depuis des années, de lire plus et davantage de “classiques”, d’écrire davantage sur le blog, et de consacrer les siestes de C. du week-end (quand il veut bien dormir) à des activités manuelles. Voilà donc mes premières tentatives de gravure sur gomme pour réaliser des tampons de légumes.
Contrat d’édition
Signer un contrat d’édition est un moment bizarre. On est heureux, c’est la concrétisation d’un projet, l’assurance que le livre va exister, une nouvelle aventure qui commence. C’est excitant, joyeux, on a envie de sautiller dans tous les sens. Mais c’est aussi vertigineux, quand on pense que ce papier nous engage jusqu’à 70 ans après notre mort. Soixante-dix ans ! On fait rarement des choses qui ont des conséquences sur un temps aussi long, et avec autant d’incertitude. Et puis il y a aussi un peu de frustration, à cause de toutes ces petites clauses qu’on n’a pas réussi à négocier et qui nous embêtent, mais dont on s’accommode pour différentes raisons – par exemple parce qu’on aime travailler avec son éditrice et qu’on a confiance en son regard.
Malgré tout, concentrons-nous sur la joie : mon nouveau roman jeunesse, La révolte des animaux moches, sortira en avril au Rouergue Jeunesse. Et, manifestement, les personnages ont décidé de signer eux-mêmes le contrat.
Je reparlerai bientôt ce projet que je transporte dans mes bagages depuis longtemps et qui me tient beaucoup à coeur.
Bonheur automnal
Pas le récit d’une fugue
J’ai écrit un petit texte à propos de Ma fugue chez moi, de ce que je croyais écrire et de ce que j’ai en fait écrit, pour la toute jeune revue littéraire en ligne 300 mille signes. On peut le lire ici.
La petite vie magique des livres
J’ai acheté d’occasion un exemplaire de La barbe à papa de Joe David Brown, traduction française parue en 1973 de Addie Pray, le livre duquel à été tiré le formidable et merveilleux film Paper Moon de Peter Bogdanovitch.
J’ai reçu un service de presse jamais ouvert de 1973 (le livre n’a manifestement pas été réédité ensuite), et d’une certaine manière, ça me donne l’impression que c’est à moi qu’il a été envoyé par l’attachée de presse. Alors chère Raymond Leroux, sachez que le livre aura mis 44 ans à trouver un lecteur, mais il l’aura trouvé.
Dialogues
Quand j’ai commencé à écrire, adolescente, je détestais les dialogues, je ne savais pas écrire des dialogues, j’étais vraiment nulle en dialogues, je n’étais à vrai dire pas très loin du “- Bonjour ! – Bonjour ! – Ça va ? – Ça va et toi ?” de certains collégiens que je fais écrire maintenant, alors je n’écrivais presque pas de dialogues. Le minimum nécessaire. Jusqu’à il y a peu, j’ai même orienté toute mon écriture en fonction de ça, je racontais des histoires très introspectives où il ne se passait rien et je mettais en scène des personnages très seuls. Mon complexe a duré longtemps : mes trois premiers livres mettent encore en scène des personnages solitaires, qui n’ont pas ou peu d’amis.
Et puis j’ai découvert le scénariste Aaron Sorkin, j’ai regardé ses films et ses séries. Je les ai même regardées plusieurs fois, je les ai écoutées, décortiquées, j’ai lu des interviews (en ce moment, je regarde sa masterclass) et j’ai soudain compris plein de choses sur les dialogues. J’ai appris à écrire des dialogues comme de la musique, j’ai appris à mélanger plusieurs conversations en une, à ne pas toujours répondre aux questions que posent les personnages (ou alors à côté, ou plus tard), et à chercher à me surprendre moi-même.
Maintenant, j’écris des livres truffés de dialogues et je me régale à le faire. Je viens de terminer un roman pour enfants avec un groupe de quatre personnages – chose que je n’aurais jamais imaginée faire il y a à peine quelques années – , et je commence un texte pour adolescents qui met en scène un binôme.
C’est étonnant comment nos incapacités dictent ce que nous écrivons, ce que nous faisons. J’écrivais peu de dialogues parce que je ne sais pas parler, je mettais en scène des personnages solitaires car je suis solitaire et peu douée pour les relations sociales, Je croyais qu’on ne pouvait écrire que ce qu’on savait être, mais j’ai compris que ne pas savoir parler ne faisait pas forcément de nous de mauvais dialoguistes. Surtout, j’ai compris que l’écriture, ce n’était pas tenter de se mettre à la hauteur de la médiocrité de la vie réelle (et de nos discussions de la vie réelle), mais c’était la transcender, donner à la vie réelle des objectifs et de l’ambition.
Actualité en transit
Ce matin dans le hall de la gare, un adolescent pianote un morceau qui donne des airs de fin de film aigre-douce à la gare. La première des huit semaines que je vais essentiellement passer à faire des rencontres, animer des ateliers d’écriture et prendre des trains se termine tout juste. C’est épuisant mais aussi passionnant.
Quand je fais des rencontres, si je ne suis pas à l’aise pour aborder les sujets d’actualité frontalement avec les enfants, j’essaie de glisser des messages politiques, des encouragements. Je ne veux pas être une VRP de la littérature jeunesse. Je ne veux pas être la vitrine des livres, l’auteure jeunesse vivante émissaire de l’éducation nationale qui vient faire la promotion de la lecture institutionnelle. Alors je raconte des anecdotes, je parle des livres écrits mais refusés, je leur demande leur avis, je parle argent, je parle du monde littéraire, je réponds à des questions qu’il n’ont pas posées, je parle de livres qui disent des choses importantes, je les encourage à poser les questions que certains profs jugent incorrectes. Je veux qu’il y ait un partage. J’aime qu’ils me contredisent, qu’ils soient spontanés, qu’ils posent des questions très précises ou très techniques. Je vois qu’ils réfléchissent beaucoup. Il y en a qui écrivent aussi. Ils ont aussi souvent de très bons profs, curieux, dynamiques, présents et concernés, et qui leur font parfois faire des trucs épatants. J’espère que ces enfants et ces adolescents sortent parfois de nos rencontres avec de l’énergie et l’envie de changer le monde comme ils me donnent de l’énergie et l’envie de changer le monde.
En ce moment je passe à la maison en coup de vent, et je suis l’actualité en transit, en regardant chaque jour les mêmes unes de magazines dans les kiosques des gares en attendant mon train, n’ouvrant que ceux qui ne parlent pas des élections (elles sont déjà bien assez présentes dans mon esprit). Je me sens ailleurs, pas très ancrée dans le monde, mais pourtant le corps et l’esprit habités par une petite angoisse sourde qui ne me quitte pas depuis deux semaines.
Je pense à dimanche. Je comprends ceux qui vont voter et ceux qui ne le feront pas. J’irai voter, le coeur lourd. Pas envie de donner de la légitimé à quelqu’un qui a pour ambition de saccager la protection sociale française. Mais depuis des jours, je lis en silence – je ne commente presque jamais, les mots me manquent et il y a déjà bien assez de monde qui dit bien assez de choses – sur Facebook, sur des blogs, des textes écrits par des membres de la communauté LGBT, des étrangers, des musulmans, des noirs, par ceux dont la liberté est beaucoup plus directement menacée que la mienne (je suis privilégiée : la seule « minorité » dont je fasse partie c’est les femmes). Alors je voterai, un peu pour moi, beaucoup pour eux.
C’est tentant de se dire que si le Front National était au pouvoir, au moins il y aurait enfin de la révolte, une vraie révolution, un soulèvement populaire sans précédent. On se battrait, on renverserait le gouvernement. Mais peut-être aussi que ça n’arriverait pas. Peut-être qu’on se laisserait faire doucement, qu’on continuerait simplement à glisser. Après tout, on continue à élire les dominants, à admirer les muscles et le charisme, les diplômes et la puissance, le virilisme, à rester piégés dans ce à quoi on nous a éduqués. Alors je ne peux pas prendre ce risque.
Je culpabilise souvent de ne pas être plus active pour les autres, de ne pas réussir à trouver le temps, ou les mots. Alors peut-être est-ce pour compenser, pour agir malgré tout que je me mets à écrire des livres de plus en plus politique. Il y a de la révolte, des manifestations, de la lutte des classes, du féminisme et de l’antispécisme, dans tous les textes que je suis en train d’écrire. Je ne suis pas très douée pour l’action alors je fais ce que je peux avec mes toutes petites armes d’écrivaine.