Création d’une histoire sonore dans une crèche

Il y a quelques temps, Stéréolux a proposé à Martin Page et moi-même de faire une résidence de quelques jours dans un crèche pour monter un projet autour du livre, de la musique et du numérique. On a donc imaginé la création et l’enregistrement d’une lecture sonore avec les enfants.
Au début du mois de juillet, nous avons passé quelques jours en immersion dans le multi-accueil Chlorophylle à Nantes pour enregistrer les enfants. Ils ont joué de la musique et réalisé des bruitages (avec des instruments et des percussions, mais aussi avec ce qu’on avait sous la main), ils ont chanté, poussé de fantastiques cris d’animaux. Les plus grands ont aussi dit des mots ou des phrases que nous avons ajoutées au montage.
Nous avons démarré la résidence avec seulement une idée vague de ce que nous allions écrire, et nous avons écrit l’histoire en fonction de ce que nous enregistrions. Elle s’est donc enrichie au fur et à mesure des idées et de la spontanéité des enfants.

Comme nous avons réalisé les enregistrements “en situation” (dans les salles communes de la crèche), le son n’est pas parfaitement propre. Il y a forcément des bruits de fond et des parasites. Pour nous, c’était une sacrée expérience, – le marathon était épuisant – mais aussi réjouissante et touchante.

L’histoire est racontée par Martin, co-écrite par nous deux, bruitée par les enfants du multi-accueil Chlorophylle à Nantes, habillée musicalement par moi, et s’appelle donc La disparition des animaux.

Histoires connectées

Ma résidence avec l’association Electroni[k] et Stereolux s’est terminée jeudi dernier. Le projet mené avec les 2 classes de CM1/CM2 de l’école Trégain à Rennes et le CE1 de l’école Lucie Aubrac à Nantes a vu le jour : le site Histoires Connectées est là.

histoires connectees

On peut y écouter les 54 histoires qui ont été écrites, lues, enregistrées, sonorisées, montées et illustrées par les enfants eux-mêmes (ainsi que par quelques autres classes qui ont eu envie de jouer le jeu). Ces histoires étant toutes reliées entre elles par un personnage ou un lieu en commun, l’écoute se fait selon la combinaison personnage principal-lieu-personnage secondaire choisie par l’auditeur.

C’était une sacrée aventure, la première fois que je menais un projet aussi conséquent et avec autant d’enfants. Ça a été un travail de longue haleine pour tout le monde, tant pour l’écriture que pour la sonorisation ou la mise en forme finale, mais on y est arrivés et je ne suis pas peu fière du résultat.

Une belle vidéo réalisée par Vincent Cadoret présente la résidence. Des photos sont également visibles ici.

(Le site internet a été réalisé par Quentin Quéro et Antoine Pyr, deux étudiants de l’école Epitech.)

Actualité en transit

Ce matin dans le hall de la gare, un adolescent pianote un morceau qui donne des airs de fin de film aigre-douce à la gare. La première des huit semaines que je vais essentiellement passer à faire des rencontres, animer des ateliers d’écriture et prendre des trains se termine tout juste. C’est épuisant mais aussi passionnant.

Quand je fais des rencontres, si je ne suis pas à l’aise pour aborder les sujets d’actualité frontalement avec les enfants, j’essaie de glisser des messages politiques, des encouragements. Je ne veux pas être une VRP de la littérature jeunesse. Je ne veux pas être la vitrine des livres, l’auteure jeunesse vivante émissaire de l’éducation nationale qui vient faire la promotion de la lecture institutionnelle. Alors je raconte des anecdotes, je parle des livres écrits mais refusés, je leur demande leur avis, je parle argent, je parle du monde littéraire, je réponds à des questions qu’il n’ont pas posées, je parle de livres qui disent des choses importantes, je les encourage à poser les questions que certains profs jugent incorrectes. Je veux qu’il y ait un partage. J’aime qu’ils me contredisent, qu’ils soient spontanés, qu’ils posent des questions très précises ou très techniques. Je vois qu’ils réfléchissent beaucoup. Il y en a qui écrivent aussi. Ils ont aussi souvent de très bons profs, curieux, dynamiques, présents et concernés, et qui leur font parfois faire des trucs épatants. J’espère que ces enfants et ces adolescents sortent parfois de nos rencontres avec de l’énergie et l’envie de changer le monde comme ils me donnent de l’énergie et l’envie de changer le monde.

En ce moment je passe à la maison en coup de vent, et je suis l’actualité en transit, en regardant chaque jour les mêmes unes de magazines dans les kiosques des gares en attendant mon train, n’ouvrant que ceux qui ne parlent pas des élections (elles sont déjà bien assez présentes dans mon esprit). Je me sens ailleurs, pas très ancrée dans le monde, mais pourtant le corps et l’esprit habités par une petite angoisse sourde qui ne me quitte pas depuis deux semaines.

Je pense à dimanche. Je comprends ceux qui vont voter et ceux qui ne le feront pas. J’irai voter, le coeur lourd. Pas envie de donner de la légitimé à quelqu’un qui a pour ambition de saccager la protection sociale française. Mais depuis des jours, je lis en silence – je ne commente presque jamais, les mots me manquent et il y a déjà bien assez de monde qui dit bien assez de choses – sur Facebook, sur des blogs, des textes écrits par des membres de la communauté LGBT, des étrangers, des musulmans, des noirs, par ceux dont la liberté est beaucoup plus directement menacée que la mienne (je suis privilégiée : la seule « minorité » dont je fasse partie c’est les femmes). Alors je voterai, un peu pour moi, beaucoup pour eux.

C’est tentant de se dire que si le Front National était au pouvoir, au moins il y aurait enfin de la révolte, une vraie révolution, un soulèvement populaire sans précédent. On se battrait, on renverserait le gouvernement. Mais peut-être aussi que ça n’arriverait pas. Peut-être qu’on se laisserait faire doucement, qu’on continuerait simplement à glisser. Après tout, on continue à élire les dominants, à admirer les muscles et le charisme, les diplômes et la puissance, le virilisme, à rester piégés dans ce à quoi on nous a éduqués. Alors je ne peux pas prendre ce risque.

Je culpabilise souvent de ne pas être plus active pour les autres, de ne pas réussir à trouver le temps, ou les mots. Alors peut-être est-ce pour compenser, pour agir malgré tout que je me mets à écrire des livres de plus en plus politique. Il y a de la révolte, des manifestations, de la lutte des classes, du féminisme et de l’antispécisme, dans tous les textes que je suis en train d’écrire. Je ne suis pas très douée pour l’action alors je fais ce que je peux avec mes toutes petites armes d’écrivaine.

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L’oiseau silence

À l’occasion du festival Tandem, nous avons créé avec l’illustrateur Loïc Froissart, une lecture dessinée et bruitée intitulée L’oiseau silence. C’était notre toute première représentation et on a hâte de la jouer ailleurs.

L’oiseau Silence raconte l’histoire de Céleste, une petite merlette qui ne parle pas la même langue que les autres oiseaux. Elle possède un langage bien à elle, un langage secret que personne ne comprend, et qu’elle est malgré tout résolue à partager avec d’autres oiseaux. Un petit extrait ci-dessous.

Sédiments

À l’invitation de François Bon, une tentative d’esquisser (de mémoire car nous sommes à 700 km de la maison pour encore deux semaines) un écosystème d’écriture personnel.

En dur : une étage de la bibliothèque Billy de mon atelier est rempli de carnets, du cahier à petits carreaux et à spirales d’adolescence aux carnets reliés, Moleskine et Leuchtturm. À vue de nez une trentaine de carnets qui contiennent textes et dessins, gribouillis et chansons, titres de livres et listes de prénoms de personnages, remplis durant les quinze dernières années. Diverses taille (du tout petit de poche au A4), divers grammages et lignages (alvéoles de ruches par exemple), achetés au fil des besoins ou des hasards, des voyages et des envies, des pages déchirées et des cafés renversés. Pas de fétichisme. Comme les livres, ils vivent. Jamais deux identiques parce que je suis toujours à la recherche du carnet parfait – et éternelle insatisfaite. Deux disques durs de sauvegarde de 500 Go où je trimbale mes photos, mes textes, mes chansons d’ado, depuis le PC familial sous Windows 3.1 jusqu’à aujourd’hui, un disque dur SSD 250 Go avec les sauvegardes plus récentes, un disque dur qui contient une sauvegarde intégrale du disque dur de mon premier macbook après qu’il ait rendu l’âme. Un autre encore accroché à la tour de mon dernier PC (avant le Macbook) que je dois récupérer depuis des années pour pouvoir enfin me débarrasser de la tour. Et encore plus ancestral : une pile de DVD-R pleins de films, séries, musique, photos, vidéos, souvenirs.

En numérique : Une dizaine de blogs inactifs mais pas archivés tenus en alternance ou en simultané de 2003 à 2013 (peu de périodes sans blog depuis l’âge de 15 ans), et puis désormais ici. La plupart sont encore en ligne, jusqu’au jour où ils disparaîtront dans les limbes d’Internet. En attendant, je ne connais plus les mots de passe, j’ai juste leurs noms ou leurs adresse vaguement en tête, seule à m’en souvenir encore. Ils sont des souvenirs de moi éclatés sur la toile, ils sont de l’ultra-intimité qui ne m’appartient plus vraiment. Un site web aussi, tenu de 2002 à 2007, hébergé gratuitement chez free et donc toujours en ligne mais dont les liens  sont majoritairement morts. Y restent des photos et quelques textes. Les musiques ont disparu. Emails archivés depuis 2010 (mais pas triés), perdu ceux d’avant au cours d’un changement d’ordinateur, perdues les correspondances amicales (excepté quelques mails d’adolescence, archivés à l’époque où j’avais le temps, à l’époque où l’écosystème n’était que naissant, à l’époque où, petite fourmi bien affairée, l’intégralité de la biodiversité disponible était utilisée à le composer), perdues les centaines d’e-mails échangés avec mon cher et tendre pendant les cinq premières années de notre correspondance, avant le passage à la vraie vie. Sur l’ordinateur, un dossier “Musique” avec les films et les enregistrements rapides (issus du dictaphone de l’ipad) de chansons et de musiques en cours de composition, pour ne pas oublier mes trouvailles car je n’écris pas les mélodies ni toutes les rythmiques (flemme et habitude de travailler en solo). Et un dossier “Écriture”, avec tous les textes en cours et achevés, les notes, les idées bonnes et mauvaises, les esquisses, les débuts, les réflexions, mon plus précieux désordre sans doute. Ces deux dossiers sont sauvegardés sur mon Macbook, sur l’ordinateur du salon, et en ligne sur Dropbox, plus de temps en temps sur le disque dur externe. Enfin : deux ans de notes à la fois très bordéliques et très organisées stockées dans Notes (pas trouvé mieux jusqu’à présent), synchronisées sur l’ipad et de temps en temps sauvegardées dans Dropbox.

Un écosystème plutôt jeune au fond, qui commence avec les années 2000. Mais déjà cette question qui me hante : que va devenir la mémoire avec le numérique ? Des années que j’envisage de trier, ranger, ordonner, archiver, sauvegarder les milliers de photos, les centaines de vidéos, de notes de blog, de textes, de musiques, d’e-mails. Mais je ne le fais pas, toujours prise par l’urgence à agir et à faire l’urgence d’être maintenant plutôt que de me retourner sur le passé pour l’organiser (et puis chaque tentative se solde par une plongée mélancolique dans de vieux souvenirs fragmentaires et microscopiques, et l’oubli de mon objectif de départ), continuant à entasser de nouvelles couches sédimentaires de souvenirs sur le passé, le rendant toujours moins accessible et plus désincarné. À quoi sert tout cet archivage puisque tout finira un jour obsolète, cassé, inaccessible ? Ce qui compte, au fond, ce sont les souvenirs qui nous ont façonnés, pas ceux que l’on a collectés. Sans doute est-ce une manière de se rassurer, d’invoquer un soi passé comme on érigerait un autel à soi-même pour ne pas s’oublier, de reconstruire sa biodiversité intime pour avoir un écosystème dans lequel continuer à grandir, empêcher la dissolution de nos identités dans la toile, et accumuler du matériel et du comptable comme un front face à l’infinitude du numérique. Univers, Internet : même combat.

festival Tandem – Nevers

Je suis ce week-end au festival Tandem à Nevers, un festival littéraire à la très belle programmation, qui propose des lectures en duo ou en trio, musicales, dessinées, performées… et qui s’ouvre désormais à la littérature jeunesse. Voilà mon programme (mais celui des autres vaut le détour) :

Samedi à 18 mars à 11h : Lecture musicale avec Martin Page autour de notre livre La folle rencontre de Flora et Max. C’est une lecture très épurée, où nous lisons des extraits du livre en nous accompagnant à tour de rôle au ukulélé.

Samedi 18 mars à 15 h : Lecture dessinée et musicale en duo avec Loïc Froissart. C’est une lecture encore inédite, que nous avons créée  l’occasion du festival. Elle s’appelle L’oiseau silence et il y est manifestement question d’oiseaux et de silence (mais aussi de langage). Côté musique, je tente quelques bruitages à base d’appeaux et de theremin (notamment).

Dimanche 19 mars à 16h30, je lirai quelques textes durant la sieste acoustique pour enfants de Bastien Lallemant.

Le livre-montagne

La première version du roman est terminée depuis plus d’un mois. Je l’ai relu et corrigé, je l’ai fait relire à mon cher et tendre premier lecteur. Le livre a trouvé son centre de gravité, il tient à peu près debout même si ses vêtements ne sont pas encore vraiment ajustés. Mais Il est là, bien au chaud dans mon ordinateur, avec son histoire, sa langue, ses personnages que je chéris, son titre, son point final, son exergue, et ses 240 000 signes. C’est le plus long texte que j’ai jamais écrit – je ne suis pas une marathonienne, j’aime les livres courts et incisifs, les livres dont la densité est inversement proportionnelle à leur épaisseur, les livres qui n’exigent pas que je leur consacre des dizaines d’heures mais qui m’habitent pourtant longtemps après les avoir quittés, ce sont les livres que j’aime lire et ceux que j’essaie d’écrire – ce qui le rend d’autant plus impressionnant, avec sa longue et vaste liste de ce que je dois changer / améliorer / ajouter / réorganiser.

Alors depuis tout ce temps, il décante, il hiberne. Parce que comme à chaque fois, l’idée même de l’ouvrir à nouveau me fait l’effet décourageant d’une montagne à gravir, si abrupte et si haute qu’on n’en voit pas le sommet. Je sais pourtant que c’est seulement un reflet, je sais qu’en réalité il ne s’agit pas de grimper mais de plonger : une fois qu’on a sauté, il n’y a plus qu’à se laisser porter par le courant de l’eau et le livre se transforme presque tout seul. Mais j’ai beau le savoir, la peur est quand même là.

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Livre de soutien à la librairie La vie devant soi

Charlotte Desmousseaux, libraire formidable, a ouvert il y a un peu plus d’un an une librairie non moins formidable à Nantes : La vie devant soi. Pour remercier les contributeurs Ulule qui ont participé au financement de la librairie, elle a édité un livre dans lequel une cinquantaine d’auteurs proposent chacun un texte ou un dessin évoquant leur rapport aux librairies.

J’ai décidé d’y raconter la longue histoire de ma rencontre avec Martin qui a débuté au milieu d’une librairie, dans un texte intitulé La sérendipité d’une histoire d’amour.

Le livre est édité par la maison Joca Seria, disponible à la vente directement à La vie devant soi ou en commande dans toutes les autres librairies. On y retrouve notamment Martin Page, Éric Pessan, Charlotte des Ligneris, Quentin Faucompré, Anthony Poiraudeau, Guénaël Boutouillet, Julia Kerninon, Delphine Bretesché, Claude Ponti et plein d’autres.

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